dimanche 17 mai 2009
Hurlement 1: Le point de départ, c'est l'arrivée
J'arrive, je crois que j'arrive. J'ai pris le train tard, très tard le soir et j'arrive ...trop tôt le matin. Je sors du compartiment...très exigu. La couchette du dessus m'étouffa presque et la largeur ridicule de la banquette m'a contraint à de pénibles retournements. Les draps de Trenitalia ressemblent plus à une hostie synthétique pour marchandises fragiles qu'aux linges qui coulissent d'une fenêtre à l'autre dans un vieux film ...italien. Ils sont à usage unique, et encore. Malgré l'ouverture de la porte du compartiment, il fait encore très chaud. Pas de stores. La lumière, toute la nuit, a zébré la couchette. Dehors, des lumières blanches à travers les gouttes de pluie sur la vitre...une gare...une gare pour l'instant comme les autres.
J'arrive d'où ? Du Sud? Du Nord ? Après une si « faible » nuit, je ne sais pas, c'est ainsi. Et puis...Ce que je sais, c'est que comme dit la sagesse populaire, populaire mais antique : « Tous les chemins mènent à Rome ». Termini, pluriel de terminus ?
Ouvrir les yeux à l'aide d'un café chaud et serré. Fort et amère comme il faut. Attendre comme les sans toits. Se frotter les yeux devant un évadé de Rembrandt échoué dans le repos de ses pensées. Attendre dans le sas de la gare, l'heure où, la clarté offre à l'immigrant, à « l'arrivant » la possibilité de trouver son chemin, de lire les plaques des rues, d'établir la correspondance avec... la carte, le plan du quartier.
Se lever, sortir. Encore quelques efforts et, comme Ricci, dans le Voleur de bicyclette, je serai tôt Piazza Vittorio.
Il est trop tôt pour que je me souvienne à quoi, dans son ensemble, elle ressemble. Les plans de De Sica sont trop serrés pour éclairer ma mémoire. Des dizaines, des centaines de pièces de vélo. Des sonnettes, des engrenages, des rouages, ...Mais, de tout ça, je pense qu'il ne reste rien. Vespas, voitures, camions, mais vélos? ... Des piliers peut-être ? Au centre, une fontaine ? Des jardins ? Comment sont ses arcades ? Si. Il me semble bien qu'il y a des arcades. Il y a fort à parier parce que... c'est une place italienne. Et l'architecture d'un pays, ça ne trompe pas, ça a des règles, ça donne une identité. Ça donne forcément une identité. Cette place, vu son nom, est forcément en accord avec l'identité. Vittorio Emanuele II. Vittorio Emanuele II, celui qui donna vie à l'appel vibrant de Machiavel à la fin du Prince, celui qui réalisa l'unification de l'Italie. Le 17 mars 1861, Vittorio Emanuele II a-t-il scellé un destin commun ou fait violence aux identités culturelles de la botte?
S.P.Q.R.,
D.L.C.
Texte et photos: Laurent Chalard
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