samedi 27 juin 2009


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mercredi 24 juin 2009

Hurlement 6: Hétéro-phobie?

Piazza Vittorio, une "pan-topie" manifestement si hétéro-topique.

Soit, pourquoi pas, mais qu'est-ce qu'une "hétérotopie"? Ecoutons le "père" de ce concept, j'ai nommé Michel Foucault. "Ce qui m'intéresse, ce sont, parmi tous ces emplacements, certains d'entre eux qui ont la curieuse propriété d'être en rapport avec tous les autres emplacements, mais sur un mode tel qu'ils suspendent, neutralisent ou inversent l'ensemble des rapports qui se trouvent, par eux, désignés, reflétés ou réfléchis. Ces espaces, en quelque sorte, qui sont en liaison avec tous les autres, qui contredisent pourtant tous les autres emplacements, sont de deux grands types. Il y a d'abord les utopies. Les utopies, ce sont les emplacements sans lieu réel."
Pause: Boullée ou l'utopie architecturale allaitée (ou a-léthé) aux souvenirs de l'Antiquité. Rome l'éternelle, réelle? La Piazza Vittorio, elle, une saveur concrète.


Etienne-Louis Boullée (1728-1799), Palais municipal pour la Capitale d'un Grand Empire, élévation perspective


Etienne-Louis Boullée (1728-1799), Cirque Ier projet, élévation perspective


Etienne-Louis Boullée (1728-1799),Intérieur d'un cirque 2ème projet, coupe perspective

"Il y a également, et ceci probablement dans toute culture, dans toute civilisation, des lieux réels, des lieux effectifs, des lieux qui ont dessinés dans l'institution même de la société, et qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d'utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels, tous les autres emplacements réels que l'on peut trouver à l'intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables. Ces lieux, parce qu'ils sont absolument autres que tous les emplacements qu'ils reflètent et dont ils parlent, je les appellerai, par opposition aux utopies, les hétérotopies. "



En quoi la piazza Vittorio, ce lieu-monde, est-elle hétérotopique? Comment peut-elle l'être? Comment le tout (to pan) peut-il être différent...de lui-même? Comment la piazza Vittorio peut-elle à la fois être « image réduite mais fidèle du monde » et être « un alter-monde »? Elle est «monde» par la diversité qu'elle recèle et «anti-monde» par la pacifique coexistence qui y règne? Des civilisations...sans choc. Sans fraternité...non plus. Mais, « côte à côte » dans le double sens biblique de l'expression ("de la côte" d'Adam ou "à côté" d'Adam). Jardin de la piazza Vittorio, jardin d'Eden? Paradis, au sens persan du terme de « jardin paisible à l'abri des murs »? Incarnation de L'âge d'Or de Cranach l'ancien? Non, mais un air de famille avec "l'avant-Chute"....



Témoignage de la démarche, ici, rien de conquérant ou d'apeuré dans le pas du maghrébin musulman. Je n'entends presque plus les mots d'Huntington.



S'asseoir...se « pauser ». Trouver le repos d'être là...et ailleurs. Des blengladeshis sur des marches romaines et « chez eux » grâces aux signes-nouilles de leurs journaux.



Pourquoi les punks dialoguent-ils au lieu de tout brûler ? Les chantres du "no future" préparent-ils leurs retraites?



Comment tant de paresse et de molles siestes alors que le choc...des civilisations fait rage?!



Traitresses, les soeurs sud-américaines achètent aux bengladeshis ou aux maghrebins... Maudite générosité chrétienne, chienne de charité.



Comment l'Etat italien peut-il tolérer qu'il y ait des cours de Taî-chi sur la place publique et, pire, qu'un romain « pure souche » y participe? Le taï-chi n'est-il pas un redoutable art martial pour anéantir l'Occident?



Pourtant...pourtant....Huntington nous a prévenu...

« Dans le monde après la guerre froide, les distinctions majeures entre les peuples ne sont pas idéologiques, politiques ou économiques. Elles sont culturelles. (...) Dans le monde nouveau qui est désormais le nôtre, la politique locale est ethnique et la politique globale est civilisationnelle. La rivalité entre grandes puissances est remplacée par le choc des civilisations. (...) Le sang, la langue, la religion, la manière de vivre : voilà ce que les Grecs avaient en commun et ce qui les distinguait des Perses et des autres non-Grecs. Mais, de tous les éléments objectifs qui définissent une civilisation, le plus important est en général la religion, comme le soulignaient les Athéniens. Dans une large mesure, les principales civilisations se sont identifiées au cours de l'histoire avec les grandes religions du monde. (...) Le choc intracivilisationnel entre idées politiques incarnées par l'Occident est en train d'être supplanté par le choc intercivilisationnel des cultures et des religions. (...) En somme, la résurgence religieuse à travers le monde est une réaction à sa laïcisation, au relativisme moral et à la tolérance individuelle, et une réaffirmation des valeurs d'ordre, de discipline, de travail, d'entraide et de solidarité humaine. Les groupes religieux rencontrent les besoins sociaux laissés sans réponse par les bureaucraties étatiques. Cela recouvre les services médicaux expliquait hospitalier, les jardins d'enfants et les écoles, les soins aux personnes âgées, l'assistance en cas de catastrophe naturelle, le soutien social en cas de récession économique. La chute de l'or et de la société civile créée des vides qui sont remplies par des groupes religieux, souvent fondamentaliste. »
« Le renouveau des religions non occidentales est la manifestation la plus puissante de l'anti-occidentalisme dans les sociétés non occidentales. Ce renouveau n'est pas un rejet de la modernité ; c'est un rejet de l'Occident et de la culture laïque, relativiste, dégénérée qui est associée à l'Occident. C'est un rejet de ce qu'on a appelé « Occidentoxication» des sociétés non occidentales. C'est une déclaration d'indépendance culturelle vis-à-vis de l'Occident, une affirmation fière : « nous serons modernes, mais nous ne serons pas vous. »
"La fin de la guerre froide n'a pas fait disparaître les conflits ; elle a donné naissance à de nouvelles identités fondées sur la culture et à de nouveaux types de conflits entre groupes issus de cultures différentes qui, en dernière instance, forme de civilisation."».

Les analyses d'Huntington, des observations objectives et lucides du présent ou des prophéties auto-réalisatrices au profit d'intérêts (très) particuliers? Piazza Vittorio: l'exception qui confirme la règle ou le contre-exemple crevant "le voile d'une Mâyâ" toute géopolitique?




S.P.Q.R.,
D.L.C.
Texte et photos: Laurent Chalard.
P.S: Toutes les citations d'Huntington sont extraites du Choc des civilisations, Odile Jacob, 1997.

Hurlement 5: L'espace-ment ?

S'asseoir Piazza Vittorio, observer...l'espace car « L'époque actuelle serait peut-être plutôt l'époque de l'espace. Nous sommes à l'époque du simultané, nous sommes à l'époque de la juxtaposition, à l'époque du proche et du lointain, du côte à côte, du dispersé. Nous sommes à un moment où le monde s'éprouve, je crois, moins comme une grande vie qui se développerait à travers le temps que comme un réseau qui relie des points et qui entrecroise son écheveau. » En 1967, Foucault écrivait cela dans Des espaces autres. Actualité du concept foucaldien...Piazza Vittorio.



Si le jargon, les gestes et la posture du structuralisme sont datés, Rome ravive son intuition fondamentale. « Le structuralisme, ou du moins ce qu'on groupe sous ce nom un petit peu général, c'est l'effort pour établir, entre des éléments qui peuvent avoir été répartis à travers le temps, un ensemble de relations qui les fait apparaître comme juxtaposés, opposés, impliqués l'un par l'autre, bref, qui les fait apparaître comme une sorte de configuration; et à vrai dire, il ne s'agit pas par là de nier le temps; c'est une certaine manière de traiter ce qu'on appelle le temps et ce qu'on appelle l'histoire. » Piazza Vittorio, Rome...lieux, par excellence, de l'enchevêtrement, du réseau, de l'écheveau, folle configuration....de l'histoire dans l'espace.











Espace des emplacements...actualité, donc. "L'espace lui-même, dans l'expérience occidentale, a une histoire. (...) L'espace, qui était au Moyen Age un ensemble hiérarchisé de lieux : lieux sacrés et lieux profanes (...) et le lieu céleste à son tour s'opposait au lieu terrestre. (...) C'était toute cette hiérarchie, cette opposition, cet entrecroisement de lieux qui constituait ce qu'on pourrait appeler très grossièrement l'espace médiéval : espace de localisation.(...) Cet espace de localisation s'est ouvert avec Galilée, car le vrai scandale de l'oeuvre de Galilée, ce n'est pas tellement d'avoir découvert, d'avoir redécouvert plutôt que la Terre tournait autour du soleil, mais d'avoir constitué un espace infini, et infiniment ouvert. (...) Autrement dit, à partir de Galilée, à partir du XVIIe siècle, l'étendue se substitue à la localisation."






"De nos jours, l'emplacement se substitue à l'étendue qui elle-même remplaçait la localisation. L'emplacement est défini par les relations de voisinage entre points ou éléments; formellement, on peut les décrire comme des séries, des arbres, des treillis. (...) D'une manière encore plus concrète, le problème de la place ou de l'emplacement se pose pour les hommes en termes de démographie; et ce dernier problème de l'emplacement humain, ce n'est pas simplement la question de savoir s'il y aura assez de place pour l'homme dans le monde - problème qui est après tout bien important -, c'est aussi le problème de savoir quelles relations de voisinage, quel type de stockage, de circulation, de repérage, de classement des éléments humains doivent être retenus de préférence dans telle ou telle situation pour venir à telle ou telle fin. Nous sommes à une époque où l'espace se donne à nous sous la forme de relations d'emplacements."

Rome-treillis, Rome-réseau, Piazza Vittorio...ce noeud splendide.








"Or, malgré toutes les techniques qui l'investissent, malgré tout le réseau de savoir qui permet de le déterminer ou de le formaliser, l'espace contemporain n'est peut-être, pas encore entièrement désacralisé - à la différence sans doute du temps. "

Piazza Vittorio: "Un espace qui est tout chargé de qualités, un espace, qui est peut-être aussi hanté de fantasme. (...) Nous vivons à l'intérieur d'un ensemble de relations qui définissent des emplacements irréductibles les uns aux autres et absolument non superposables."
Alors il faut un ascenseur. Piazza Vittorio, un ascenseur pour s'élever dans "l'espace-monde"?




S.P.Q.R.,
D.L.C.

Texte et photos: Laurent Chalard.

P.S.: Les textes cités de Michel Foucault sont extraits de Dits et écrits 1984 , Des espaces autres (conférence au Cercle d'études architecturales, 14 mars 1967), in Architecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre 1984, pp. 46-49.

mercredi 10 juin 2009

Hurlement 4: Rendons Rome...à Rome

Quitter les arcades...aller vers le centre, « se mouiller » à ciel et à coeur ouverts sous les jardins de la Piazza Vittorio. Sculpture, vieux style...presque « antique », émergée du déluge, mais ...sans vie. Déception atténuée par une anomalie végétale. Rome, temple des pins parasols et des cyprès et, ici,...des palmiers et des feuillus. Rencontre improbable de Brocéliande et du Sahara.



Là-bas...au-delà des herbes géantes, verticales et massives, une architecture asymétrique, effondrée sur elle-même, un château plus très ambulant ...ruine singulière. Reculons … pour mieux voir.





Approchons...tournons autour....architecture opaque. Des ouvertures béantes barrent l'entrée. Du vide mais pas de pièces. Les étages se tournent le dos. Bâtisse où tout se qui s'offre est aussitôt confisqué. Construction d'un enfant gourd? "Chef-d'oeuvre inconnu" d'un savant fou? Labyrinthe aux traits d'une cathédrale des sables.







Ses palmiers , son Trophée de Mario... Piazza Vittorio...ce lieu méditerranéen plonge dans les aquarelles marocaines d'Eugène Delacroix , appel univoque vers les opposés: du levant au couchant, du Machreb au Maghreb.









Mais renversements des mots de Delacroix. Il trouve au Maroc « l'Antiquité vivante »...selon lui, « Rome n'est plus dans Rome ». A Pierret, le 29 février 1832, il écrit: « Imagine, mon ami, ce que c'est que de voir couchés au soleil, se promenant dans les rues, recommandant des savates, des personnages consulaires, des Catons, des Brutus, auxquels il ne manque même pas l'air dédaigneux que devaient avoir les maîtres du monde ; ces gens-ci ne possèdent qu'une couverture dans laquelle ils marchent, dorment et sont enterrés, et ils ont l'air aussi satisfaits que Cicéron devait l'être de sa chaise curule. Je te le dis vous ne pourrez jamais croire à ce que je rapporterai, parce que ce sera bien loin de la vérité et de la noblesse de cette nature. L'antique n'a rien de plus beau. Il passait hier un paysan qui était foutu comme tu le vois ici (…) Tout cela en blanc comme les sénateurs de Rome. » Rome est de nouveau dans Rome, Piazza Vittorio. Comme l'annonçait Victor Hugo dans la préface de ses Orientales « l'Orient est appelé à jouer un rôle dans l'Occident ». N'est-ce pas celui de ranimer l'antiquité au coeur de la ville éternelle?






Pas étonnant qu'A(h)medeo s'y sente bien...Italie, Maghreb, Bengladesh...Piazza Vittorio, une « u-topie », une "pan-topie"?

S.P.Q.R.,
D.L.C.
Texte et photos: Laurent Chalard.

lundi 1 juin 2009

Hurlement 3: Les murs ont des "orecchiettes"

Message... « réalité-livre » ...les colonnes de la Piazza Vittorio comme les pages emmêlées et collées d'un cadavre exquis bariolé à l'odeur de vieux palimpseste.





La fragile unité italienne est malmenée par, comble de l'ironie, des « calligraphies-nouilles ». Parviz, depuis son trône de la fontaine aux pigeons,Piazza Santa Maria Maggiore, peut bien se moquer « des spaghettis et compagnie » des romains. Le « monde-texte » multi-ethnique s'écrit aussi en cappelli di angelo, macaroni, canellonni, conchiglie, orecchiettes, farfalles, pennes, fusilli...








Superpositions, quasi-fusions des contraires...des enfants morts à Gaza de l'embargo aux envoûtantes chanteuses indiennes...le ton est donné...mélange des genres...le monde glisse, Piazza Vittorio, involontairement du théâtre des opérations à l'opération « théâtre ».



Nouveau cru de néo-réalisme: du Rome année zéro à la sauce kébab péruvien...Rossellini a perdu ... son latin.





Rome...c'est pas le Pérou...mais presque...



S.P.Q.R.,
D.L.C.

Texte et photos: Laurent Chalard.

choc des civilisations pour un ascenseur Piazza Vittorio à la Friche Belle de Mai


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Photos tirées de la présentation de sortie de résidence à la FRICHE DE LA BELLE DE MAI (du 25 au 29 mai 2009)