mercredi 24 juin 2009

Hurlement 5: L'espace-ment ?

S'asseoir Piazza Vittorio, observer...l'espace car « L'époque actuelle serait peut-être plutôt l'époque de l'espace. Nous sommes à l'époque du simultané, nous sommes à l'époque de la juxtaposition, à l'époque du proche et du lointain, du côte à côte, du dispersé. Nous sommes à un moment où le monde s'éprouve, je crois, moins comme une grande vie qui se développerait à travers le temps que comme un réseau qui relie des points et qui entrecroise son écheveau. » En 1967, Foucault écrivait cela dans Des espaces autres. Actualité du concept foucaldien...Piazza Vittorio.



Si le jargon, les gestes et la posture du structuralisme sont datés, Rome ravive son intuition fondamentale. « Le structuralisme, ou du moins ce qu'on groupe sous ce nom un petit peu général, c'est l'effort pour établir, entre des éléments qui peuvent avoir été répartis à travers le temps, un ensemble de relations qui les fait apparaître comme juxtaposés, opposés, impliqués l'un par l'autre, bref, qui les fait apparaître comme une sorte de configuration; et à vrai dire, il ne s'agit pas par là de nier le temps; c'est une certaine manière de traiter ce qu'on appelle le temps et ce qu'on appelle l'histoire. » Piazza Vittorio, Rome...lieux, par excellence, de l'enchevêtrement, du réseau, de l'écheveau, folle configuration....de l'histoire dans l'espace.











Espace des emplacements...actualité, donc. "L'espace lui-même, dans l'expérience occidentale, a une histoire. (...) L'espace, qui était au Moyen Age un ensemble hiérarchisé de lieux : lieux sacrés et lieux profanes (...) et le lieu céleste à son tour s'opposait au lieu terrestre. (...) C'était toute cette hiérarchie, cette opposition, cet entrecroisement de lieux qui constituait ce qu'on pourrait appeler très grossièrement l'espace médiéval : espace de localisation.(...) Cet espace de localisation s'est ouvert avec Galilée, car le vrai scandale de l'oeuvre de Galilée, ce n'est pas tellement d'avoir découvert, d'avoir redécouvert plutôt que la Terre tournait autour du soleil, mais d'avoir constitué un espace infini, et infiniment ouvert. (...) Autrement dit, à partir de Galilée, à partir du XVIIe siècle, l'étendue se substitue à la localisation."






"De nos jours, l'emplacement se substitue à l'étendue qui elle-même remplaçait la localisation. L'emplacement est défini par les relations de voisinage entre points ou éléments; formellement, on peut les décrire comme des séries, des arbres, des treillis. (...) D'une manière encore plus concrète, le problème de la place ou de l'emplacement se pose pour les hommes en termes de démographie; et ce dernier problème de l'emplacement humain, ce n'est pas simplement la question de savoir s'il y aura assez de place pour l'homme dans le monde - problème qui est après tout bien important -, c'est aussi le problème de savoir quelles relations de voisinage, quel type de stockage, de circulation, de repérage, de classement des éléments humains doivent être retenus de préférence dans telle ou telle situation pour venir à telle ou telle fin. Nous sommes à une époque où l'espace se donne à nous sous la forme de relations d'emplacements."

Rome-treillis, Rome-réseau, Piazza Vittorio...ce noeud splendide.








"Or, malgré toutes les techniques qui l'investissent, malgré tout le réseau de savoir qui permet de le déterminer ou de le formaliser, l'espace contemporain n'est peut-être, pas encore entièrement désacralisé - à la différence sans doute du temps. "

Piazza Vittorio: "Un espace qui est tout chargé de qualités, un espace, qui est peut-être aussi hanté de fantasme. (...) Nous vivons à l'intérieur d'un ensemble de relations qui définissent des emplacements irréductibles les uns aux autres et absolument non superposables."
Alors il faut un ascenseur. Piazza Vittorio, un ascenseur pour s'élever dans "l'espace-monde"?




S.P.Q.R.,
D.L.C.

Texte et photos: Laurent Chalard.

P.S.: Les textes cités de Michel Foucault sont extraits de Dits et écrits 1984 , Des espaces autres (conférence au Cercle d'études architecturales, 14 mars 1967), in Architecture, Mouvement, Continuité, n°5, octobre 1984, pp. 46-49.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire